Comment le drone révolutionne le secteur du BTP.
A l’heure des vacances, l’été représente parfois un challenge pour les écoliers, que faire de ces journées de libertés? Pour Richard Evans, travailleur du BTP, cela n’a jamais été le cas. La plupart des journées ensoleillés de son enfance sur Merrit Island en Floride, Evans et son frère aîné les ont passé sur l’aéroport privé non loin de leur maison. Ils s’allongeaient dans l’herbe attendant qu’un avion les rase avant d’atterrir sur la piste en contrebas. Depuis ces étés jusqu’à aujourd’hui, Evans, 61 ans, scrute toujours le ciel surveillant les aéronefs le survolant, à la différence près que maintenant il les contrôle.
Aéromodéliste de longue date, Evans allie aujourd’hui passion et travail en pilotant des quadcoptères (aéronef léger à quatre rotors) sur les chantiers de construction de son entreprise : SPAWGLASS. Evans, précurseur dans ce domaine expérimente l’usage des capteurs volants afin de répertorier les usages utiles à son secteur : le BTP. L’enthousiasme d’Evans sur cette nouvelle technologie est certain. Bien qu’il expose de réels opportunités avec intelligence, le secteur du BTP peine à partager son excitation.
La principal raison est que la plupart des gens vont ranger les aéronefs d’Evans et de bien d’autres amateurs, dans la catégorie des drones (souffrant d’une mauvaise réputation des suites des récents conflits). Malgré les grandes différences entre ces deux usages, une étude récente du Pew Research Center et Smithsonian magazine révèle que 59% des américains croient en l’avancé technologique pour un meilleur futur mais ils sont 63% a penser qu’ouvrir le ciel américain à un usage civil du drone empirerait les choses.
Malgré ces avis négatifs, beaucoup d’industriel du BTP voit un réel atout en ces machines pour faire évoluer leurs métiers. Qu’ils soient utilisés pour les études en APS, pour promouvoir les projets auprès des clients, à des fins d’inspection d’ouvrage ou encore pour surveiller les chantiers, les drones ont le potentiel de devenir des outils incontournables du métier au même titre que le clou ou la pelle. Le plus gros challenge sur le sol américain est le cadre réglementaire, en effet la FAA (équivalent américain de la DGAC) interdit tout usage de drones à des fins civils. Les textes originalement crées pour les aéromodélistes sont aujourd’hui dépassés et la définition de l’activité commerciale n’est pas non plus limpide. Donc à l’exception de quelques projets expérimentaux et certaines universités approuvés par la FAA, le vol est bannit.
Le résultat de cette politique est un grand nombre de recommandés à destination de télépilote, dans certain cas des poursuites judiciaires et dans au moins une affaire une condamnation par les juges fédéraux. Un exemple de l’ambiguïté existante aux États-Unis : les centres d’apprentissage au télépilotage, n’ont pas le droit de faire voler des machines et utilisent dans leurs formations des simulateurs ! La FAA a communiqué un plan d’insertion du drone civil dans le ciel américain, qui a pour but la création de règles propres aux aéronefs. La deadline pour la FAA est fixée à 2015, d’ici là on reste dans le flou pour les pionniers de cette technologie alors même que la réalité est que les drones survolent déjà les chantiers et agglomérations.
Le géo trouvetou du BTP :
Evans est dans l’industrie du BTP depuis 30 ans, mais sa formation initial était dans l’informatique, il a été manager dans l’IT a SpawGlass pendant 20 ans et acteur engagé dans le passage de sa compagnie à l’air du numérique. “J’avais un background solide en électronique et en informatique quand je suis arrivé chez SpawGlass”. “Sur tous les projets que l’on réalise et dans le cas où l’on ne possède pas de plans d’architectes, nous effectuons des clichés aériens du chantier pour y intégrer les modèles 3D. C’est un projet d’avenir sur lequel je travaille : scanner un terrain avec un drone pour le numériser.”
Evans explique la naissance de cette idée par sa passion pour l’aéromodélisme dès son adolescence. Il est depuis photographe amateur expert en capteurs de tous genres. La combinaison de ces deux hobbys l’a poussé dès les années 1990 à faire voler des avions télécommandés équipés de caméras embarquées. Et ce bien avant l’avènement de la technologie appelé aujourd’hui “drone”. “Yeah, récemment les drones sont vraiment arrivés fort. Je crois que j’ai eu mon premier modèle il y a trois ans, à l’époque je voulais juste construire ce que j’appelais une caméra volante. Je n’aurai jamais pensé appeler ça “drone”, mais c’était quelque temps avant que le terme militaire drone soit appliqué au civil pour parler de ces machines de quelques kilos.”
Evans explique qu’il a investit entre 1500 et 2000 euros pour construire sa première machine à partir d’éléments assemblés. En incluant son premier modèle, la flotte d’Evans compte aujourd’hui 6 machines, dont un qui rentre dans sa poche ! “Le derniers né accomplit des tâches que je ne peux envisager avec mes autres modèles. Je souhaitais accroître la portée de vol et la qualité du retour vidéo. De plus je suis passé de 6 minutes d’autonomie à plus de 15, et comparé a mes autres modèles dont le retour vidéo ne dépasse pas le km, celui ci fonctionne jusqu’à 40 km.” S’il y avait une particularité qui gonfle son enthousiasme, c’est le fait de pouvoir utiliser des lunettes d’immersion pour suivre le drone en FPV (First Person View).”C’est tellement réel, on se sent pousser des ailes, on a l’impression de voler !”
Evans explique qu’il a d’abord fait voler ses drones sur les chantiers SpawGlass pour s’amuser, mais il comprit rapidement l’intérêt et les bénéfices qu’il pouvait apporter à son entreprise sur le secteur du BTP. “On a commencé sur un chantier pour un client grand compte à 60 million d’euros. On a volé sur le secteur et pris des clichés, le résultat était impressionnant ! Nous avons réalisé que nous n’aurions pas eu ces résultats avec les moyens aériens traditionnels. Ce n’était pas juste des photos, elles ont permis de marketter le projet sous un angle nouveau.” Evans est réaliste et précise que le drone reste très expérimental à SpawGlass. L’entreprise de BTP fait toujours majoritairement appel à l’avion ou hélicoptère, mais Evans croit au remplacement total de ces méthodes traditionnels par le drone. “Je n’ai toujours pas le feu vert pour remplacer complètement les moyens classiques. Si nous le faisons, il faudra être très méticuleux. Je ne n’aurais plus le temps de faire autre chose et cela deviendrai mon métier principal. Nous y sommes presque.” Evans estime avoir volé sur une vingtaine de chantiers avec pour priorité la sécurité ainsi que de se conformer au cadre légal un peu flou. “Je survol uniquement nos propre chantiers et toujours en dessous de 100m. Nos ouvriers me connaissent et portent tous un casque du fait des risques liés au chantier lui même, je ne survol jamais de personnel. Nous demandons systématiquement la permission au propriétaire du site et nous sommes à l’écoute des demandes de nos clients. Personne ne se retrouve sur YouTube, jusqu’à ce jour aucun client ne nous a poursuivi.”
Le chercheur :
Javier Irizarry est une des rares personnes a avoir reçu une autorisation des services de la FAA afin de travailler avec un drone. En tant que professeur à l’université technique du BTP de Géorgie, Irazarry et le labo CONECTech ont reçu une bourse de 75000 euros de l’administration des autoroutes et du ministère des transports de Géorgie l’année passée, afin d’étudier le potentiel du drone dans le secteur de la construction et de la surveillance autoroutière.
Quand on lui demande ce qu’il pense du manque de confiance du grand public envers cette technologie, Irizarry pointe du doigt le terme “drone”. Ce terme traîne une mauvaise image due principalement à l’utilisation militaire. Pourtant loin de la réalité ce terme est devenu le mot employé par les médias pour parler des cameras volantes télépilotées. Pour Irizarry ce terme drone est mal employé : “Nous devrions plutôt parler de véhicule sans pilote pas complètement autonome.” Il explique que le terme drone serait plus adapté aux aéronefs volant de façon autonome sans intervention humaine.”Nos outils de recherche sont plus des véhicules aérien sans pilote a bord, pas des machines autonomes.”
Un aspect particulièrement intéressant des recherches de Irizarry est qu’il les centres sur les aéronefs grand public donc abordables. Le Parrot AR qui trône dans le labo est un de ceux la, il coûte moins de 300 euros et a l’avantage d’être contrôlé par un smartphone. La machine la plus onéreuse du labo CONTech est un DJI Phantom 2 qui coûte environ 1400 euros. Le pari du labo sur ces technologies à bas coûts est basé sur l’idée que le marché étant très petit, les investisseurs auront plus de facilités à suivre si c’est abordable. L’étude a commencé il y a plus d’un an, explique Irizarry, durant cette première phase, les étudiants ont expérimenté au jour le jour ces machines dans le but de rendre le travail du ministère des transports plus efficace. L’équipe a répertorié les tâches et interviewé plus de 20 décideurs et employés dans le secteur. Parmi les tâches importantes mises à jour, la surveillance et le management du trafic routier semble être une priorité. “Par exemple assister les carrefours de feux en donnant des priorités en fonction du trafic, ou encore aider les contrôleurs aériens à gérer les pistes d’atterrissage plus efficacement.”
Deux expérimentations en cours par le labo ont un intérêt majeur et concret pour le secteur du TP. La première est l’utilisation du drone pour vérifier visuellement la conformité d’un tronçon de route : compter le nombre de lignes blanches ou encore s’assurer du nombre de glissières de sécurité. La seconde consiste a rendre l’inspection d’ouvrages d’art, tels que les ponts, plus accessibles. En effet la demande est forte, comme nous l’explique Izirarry : “Il y a un boulot au ministère des routes qui demande aux inspecteurs d’avoir un visuel sur la partie inférieure des tabliers. Ils peuvent le faire à pieds depuis le sol ou sur un bateau mais la visibilité avec des jumelles n’est pas suffisamment précise pour tirer des conclusions sûres” Izirarry démontre qu’en utilisant un drone les inspecteurs ont un meilleur niveau de détail en bien moins de temps. Izirarry compte publier un important recueil sur ses recherches dans le courant de l’année. Bien que son étude soit maintenant close, lui et ses étudiants continuent leurs expériences sur les possibilités du drone sur les chantiers de BTP, avec en focus la gestion de la sécurité inhérente aux travaux. Avant le début de ses recherches financées par le ministère des transports, Izirarry et son équipe faisaient des essais sur des drones tout public comme le Parrot pour voir si les images captées en 720p étaient utilisables. Les résolution en full HD et au-delà sont bien sûr plus détaillées mais Izirarry explique que l’intérêt de son étude était de mesurer la quantité d’information qu’il pouvait dénombrer dans des clichés 720p : le nombre de travailleurs, quel pourcentage de personne porte leurs EPI, si les machines fonctionnent…
Le DJI Phantom 2 coûte 1000 euros de plus qu’un drone Parrot AR mais selon izirarry, la quantité d’information collectée avec le Phantom vaut le delta de prix. Izirarry estime que la technologie sera réellement prête et utilisable d’ici 5 à 10 ans. “A l’instant ou la FAA aura terminé de mettre en place le cadre légal, la course au drone commencera. Il y a déjà des écoles qui proposent un diplôme en drone civil” (l’université en aéronautique d’Embry-Riddle). “Je sais que vous connaissez les méthodes traditionnelles du géomètre, ils ont récemment ajouté des stations GPS dans leur panel d’outil. Je vous laisse imaginer ce qu’ils feront avec des drones ! Le drone entrera dans des métiers existants, bien sûr, mais de nouveaux métiers vont émerger grâce au drone!” Izirarry s’attend a voir des entreprises naître dans un futur proche. La suite avec Tommy Tomsu nous montre qu’il avait raison, voire même plus tôt que prévu…
Le Géomètre charnière du monde du BTP :
Cela va peut être vous étonner que Tommy Tomsu lance son entreprise de drone alors que le cadre légale l’interdit encore, mais Tommy Tomsu n’est pas du genre a demander la permission pour suivre ses rêves.
Dans le métier du BTP depuis l’age de ses 15 ans, Tommy à d’abord été ouvrier dans une entreprise de canalisation avant de passer en alternance son diplôme d’ingénieur en BTP. En 1995 il décroche un boulot chez Leader, une des plus grosses entreprises de terrassement dans le monde. Il débute en tant qu’assistant des pelles excavatrices, et en quelques mois devient responsable du parc de machines : plus d’une douzaine à travers les Etats-Unis. “Et c’est comme ça que j’ai mis le pied dans le milieu, nous étions payés entre 18 et 35 euros le mètre cube de matériaux extrait. C’est beaucoup d’argent et nous voulions savoir quelle était la quantité réellement extraite. Aucune donnée ne correspondait, le responsable excavation et le commercial vente ne s’accordait jamais sur les quantités. Nous avions besoins d’une mesure juste.”
C’est donc en 1996 que Tomsu se lance dans la topographie et c’est avec des station GPS de géomètre qu’il quantifie les matériaux, la précision est au rendez-vous. Avec des stations Trimble, en 1998, il construisait des modèles 3D sur pc à destination des ingénieurs terrain. “Ce qui est parfait sur le papier ne l’est pas toujours dans la réalité, tous les bureaux d’études des environs se sont mis a me consulter pour des modèles dans le but d’intégrer les projets 3D sur des MNT justes.” La demande augmentant, Tomsu quitte son entreprise et crée en 2003 son cabinet de géomètre. Trois ans plus tard, deux ingénieurs de San Antonio rachètent son enseigne dans laquelle il reste jusqu’en mars 2011, date à laquelle il crée une entreprise de génie civil : Tomsu Group. “Le marché cible était les petites affaires dont les gros se détournaient.” A ce jour Tomsu travail à la création d’une autre entreprise qui combinerait sa passion pour la modélisation et son intérêt pour l’aéromodélisme qu’il côtoie depuis la fin des années 90.
Cependant Tomsu veut être a la pointe de la technologie et les tests qu’il réalise à ce jour avec ses hexacoptères ne suffiront pas lorsque l’entreprise démarrera. Il cherche donc des produits type ailes fixes tels que ceux de Trimble ou Topcon. Le prix reste un frein, environ 45000 euros pour les modèles cités, c’est donc à la conception d’une machine abordable qu’il s’attelle aujourd’hui. “La principale raison de notre choix pour les ailes fixes est l’autonomie, avec un seul vol on peut couvrir une surface bien plus grande avec une aile portante “active”, notre objectif est de couvrir 200 hectares en 30 minutes.” Tomsu opère en posant des points de contrôle à des endroits spécifiques : “Cela nous permet d’avoir des points placés de façon précise au sol que l’on peut aussi voir depuis le ciel, afin de pouvoir ensuite géoréférencer le modèle”.
Il programme ensuite son drone afin lui faire suivre un plan de vol automatisé, que celui ci empruntera grâce à son système de positionnement GPS. Sur son hexacoptère Tomsu utilise la technologie DJI NAZA M V2 qui lui permet de rentrer jusque 16 waypoints qu’il place de façon logique :”C’est similaire à la façon de tondre la pelouse !” explique-t-il. Le système pro de DJI autorise 50 waypoints, mais il compte changer de technologie pour un Pixhawk de chez 3DRobotics qui offre encore plus de fonctionnalités pour le vol autonome. Après la programmation, le drone s’envole jusqu’à une altitude comprise entre 30 et 100m et capture les photos. Dès l’atterrissage, Tomsu inspecte les clichés pour être sûr que la qualité requise par les logiciels est atteinte. Enfin Tomsu utilise le logiciel Pix4D pour créer des nuages de points puis les modèles 3D texturés. Son plus gros challenge a relever pour passer à une aile fixe sera de ralentir la vitesse de progression de celle ci car elle empêche de capturer suffisamment de clichés et ceux ci sont parfois flous. Mais il reste aussi une partie administrative non négligeable, trouver une assurance, son courtier actuel lui ayant fermé la porte car l’activité n’est pas encore légale…
La FAA et l’avenir du drone civil :
Quand on lui demande ce qu’il envisage si la FAA bloque son entreprise, Tomsu réplique que cela ne le concerne pas : “la FAA agit de façon stupide ! Ils bloquent l’évolution du drone, ça c’est illégal.” Il explique que son agence encourage la FAA a réguler son activité, mais il est persuadé qu’elle n’y arrivera pas d’ici 2015. Evans aussi encourage aussi l’instauration d’un cadre réglementaire afin de s’assurer que toutes les conditions de sécurité soient remplies pour faire évoluer un drone sur un chantier.”Les drones ont un tel potentiel que leurs usages dans le futur vont être nombreux. Nous voulons minimiser les risques de voir cette technologie mise a la porte. Je suppose que la FAA va proposer un système de contrôle de compétences et imposer des éléments de sécurité sur les machines pour s’assurer que les risques de collision avec un avion de ligne soit minime.” Evans espère que la FAA ne va pas sur-réguler : ” Souvent le gouvernement en fait trop, par exemple si la FAA impose de transmettre le plan de vol pour chaque opération, cela pourrait tuer le business.”
Dans le même temps, Tomsu nous annonce qu’il a déjà des clients. “Je veux vraiment être LA référence pour carrières sur le territoire. Ce business va être gros. Les carriéristes savent ce qu’ils vendent mais pas ce qu’ils produisent ! Je veux construire 500 des ces machines et signer des contrats annuels avec les leaders du milieu pour des mesures hebdomadaires.” Tomsu a récemment fait des test sur 50 hectares, le but étant de comparer la technologie photogrammétrique par drone avec le LIDAR qu’il utilise sur le site de test.